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[MEMOIRE] Rencontre avec Ginette KOLINKA

Publication : par Kévin DUBOS, Marine CARCANAGUE

Dans le cadre d’une visioconférence organisée par le Mémorial de la Shoah et la Région Île-de-France, les élèves de terminales générales du lycée ont eu la chance d’écouter Ginette Kolinka, survivante d’Auschwitz-Birkenau. À 99 ans « trois quarts », comme elle aime le dire avec humour, cette femme continue d’incarner la mémoire de la Shoah, partageant son histoire avec une force et une humilité bouleversantes. Cette rencontre s’inscrit dans un vaste projet d’étude approfondie de la Shoah qui mènera 18 de ces élèves jusqu’à Auschwitz-Birkenau à la fin du mois grâce au partenariat entre la Région et le Mémorial de la Shoah.

Ginette Kolinka raconte, avec des mots empreints de vérité et d’émotion, l’indicible horreur des camps : « Tout ce que vous lisez, vous pensez que c’est impensable : c’était pire », confie-t-elle, les yeux fermés. À 19 ans, déportée avec son père et son frère, elle se retrouve sur la Judenrampe, cet endroit où les vies basculaient, où les nazis triaient les déportés « aptes  » aux travaux forcés et condamnaient les autres à la mort dans les chambres à gaz. Elle se souvient avoir recommandé à son père, exténué par le voyage en train depuis Drancy, de monter dans un camion pour lui faciliter l’accès au camp. Elle ignorait alors que ce geste le conduirait directement à la chambre à gaz.

Elle décrit, avec une précision glaçante, le moment où on lui a ordonné de se déshabiller : « Je cachais ma poitrine d’une main, mon sexe de l’autre. Mon regard restait fixé sur mes pieds, mais autour de moi, je découvrais les corps de toutes ces femmes. » Ginette parle également de ceux qui ont traversé l’enfer à ses côtés. Elle évoque avec tendresse Marceline Loridan-Ivens, une amie rencontrée dès le début de son calvaire : « Elle était plus jeune que moi, avec de beaux cheveux roux. Nous avons été séparées dans le camp, mais nous nous sommes retrouvées plus tard. ».

Au-delà de ses souvenirs, Ginette Kolinka porte un message universel, adressé à tous, et surtout aux jeunes générations : « On ne peut pas aimer tout le monde, mais il faut apprendre à accepter chacun. La haine est une force destructrice. Rien n’est impossible avec la haine. » Elle exhorte son auditoire à lire, à s’informer, et à ne jamais oublier. Derrière son courage, Ginette laisse parfois entrevoir des cicatrices qui ne se refermeront jamais. Elle raconte les humiliations quotidiennes, les conditions inhumaines dans lesquelles elle a dû survivre : « Nous étions six sur une paillasse, avec six autres femmes au-dessus et en dessous. Nous faisions nos besoins à soixante-dix, côte à côte, dos contre dos. Quel esprit peut concevoir cela ? » Elle s’excuse de ne pas trouver les mots pour raconter l’horreur. Elle répète qu’elle garde peu de souvenirs, car elle s’était résignée à subir sans réagir pour éviter les coups et tenter ainsi de rester en vie : « Dans le camp, je n’étais pas humaine, ils faisaient tout pour que nous ne le soyons pas. ».

Elle se pose aussi des questions, imaginant les souffrances endurées par son père, son frère, et son neveu, se demandant comment ils ont affronté la mort. Ginette confie également ses remords. Elle se rappelle avec douleur avoir dû annoncer à sa mère la mort de son père et de son frère, qu’elle avait, malgré elle, envoyés à la chambre à gaz. Après la guerre, il lui a fallu des années pour se reconstruire, marquées par le travail, la maternité, et un engagement à la retraite auprès de l’Union des déportés d’Auschwitz, pour devenir un témoin vivant de l’indicible.

Pour les élèves, ce témoignage restera une rencontre marquante avec une femme dont la résilience impose le respect. Elle rappelle sans cesse l’importance de préserver la mémoire, car « On ne peut tuer ainsi des bébés, des enfants. » À travers sa voix, c’est un appel à l’humanité, à la tolérance, et à la paix qui a résonné à Gustav’.